Sur ce blog, il ne nous arrive pas régulièrement d’aborder les phénomènes statistiques qui peuplent le web. Pourtant, il y en a un qui touche directement nos métiers et que l’on rencontre partout : l’effet longue traine.
De quoi est-il donc question ? Même si l’on meurt d’envie de causer couture, mariage et robe à traine (pour une prochaine fois, qui sait ?), ce n’est pas le sujet du jour. Nous allons plutôt discuter de cet étrange phénomène, identifié depuis le milieu des années 2000, qui veut que l’audience cumulée des contenus les moins consultés soit égale ou supérieure à celle des contenus les plus vus.
L’effet longue traine, qu’est-ce que c’est ?
Intrinsèque à l’économie de l’abondance et à la dématérialisation, la longue traine désigne l’ensemble des contenus (objets pour un site de e-commerce, pages pour un site web, billets pour un blog, morceaux pour une plateforme de streaming…) qui représentent peu d’activité (peu de vente, peu de visites, peu de lectures…) mais qui, combinés, génèrent au moins l’équivalent des contenus « de tête ». En clair, l’effet longue traine fait référence à la tendance observée qu’ont les 80 à 90 % de contenus les moins populaires à être aussi profitable que les 10 à 20 % les plus populaires.
Comment est-ce possible ? Dans son célèbre article de Wired, The Long Tail, Chris Anderson compare une plateforme de visionnage en ligne au cinéma traditionnel : là où une salle ne peut diffuser qu’à condition d’avoir une audience assez importante pour rentabiliser ses coûts, la numérisation ne présente pas cette contrainte. En d’autres termes, en se dématérialisant, les contenus n’ont plus de coût d’entreposage, et les stocks disponibles peuvent s’agrandir de manière exponentielle.
Pour votre site, le principe est le même : les quelques pages (les 10 %) qui apportent beaucoup de trafic ont un coût de stockage équivalent, à peu de choses près, à celui des autres pages qui en font peu. Donc au fond, les archives de votre blog qui ne comptabilisent que 2 visites par mois vous les apportent pour un coût nul. Et, in fine, peuvent ramener vos lecteurs vers d’autres coins de votre site à plus forte valeur ajoutée.
Autrement dit :
« With no shelf space to pay for and no manufacturing costs and hardly any distribution fees, a miss sold is just another sale, with the same margins as a hit. A hit and a miss are on equal economic footing, both just entries in a database called up on demand, both equally worthy of being carried. Suddenly, popularity no longer has a monopoly on profitability. » Chris Anderson, 2004
En quoi ça nous concerne ?
En stratégie de contenu, la longue traine a belle place. En effet, le référencement naturel (ou SEO) fait partie des techniques incontournables lors de l’établissement de la stratégie. Et sur votre site, les mots clés et liens qui mènent vers vos pages se répartissent selon la distribution de la longue traine — en d’autres termes, là où une poignée d’expressions populaires comptent pour beaucoup de clics, un grand nombre de mots clés plus spécifiques vous rapportent, chacun, peu de visites, mais qui représentent une quantité significative une fois cumulée.
« Autant viser uniquement des pages best-sellers ! » commentez-vous ? Eh bien non, justement. Quelques mots clés génériques peuvent vous offrir beaucoup de visites, mais ces dernières sont bien moins qualifiées que via des mots clés plus spécifiques. Pour dire les choses très clairement, sur votre blog de passionnés de sabots en bois de Cornouailles, vous avez plus de chances d’attirer l’attention des 20 internautes qui cherchent « Sabot de bois bretons » que les 74 000 qui tapent « chaussures » chaque mois (toute ressemblance avec des véritables statistiques AdWords ne serait pas une coïncidence fortuite). Encore plus loin, « Sabot de bois bretons » est bien moins concurrentiel que « chaussure » — le premier donnant moins de résultats dans les moteurs que le second (surprenant, n’est-il pas ?).
Et, parce qu’on n’est jamais mieux servi qu’avec des exemples concret, si l’on représente les clics depuis les moteurs de recherches pour notre site, voici la courbe que nous trouvons… Roulements de tambour…
Les chiffres sont, bien sûr, classés Secret Défense, mais voici ce que l’on constate : 54 % (soit un peu plus de la moitié) de notre trafic depuis les moteurs de recherche provient de… 5% des requêtes ! Et pourtant, là où notre « Top clic » vient de la requête « Snapchat », il y a tout à parier que notre audience est plus qualifiée lorsqu’elle recherche « formation community management bretagne » ou encore « community manager Rennes », car plus à même de trouver ce qu’elle cherche — alors que ces visites ne représentent, cumulée, que 0,74 % de notre trafic depuis les moteurs de recherche !
Astuce : de manière générale, on considère que plus une expression clé possède de mots, plus elle fait partie de la longue traine. En même temps, plus elle fait partie de la longue traine, plus elle représente un potentiel de conversion important. Alors, prêt à vous positionner sur « Sabot de bois breton fabriqué à la main » ?
Ajouter un commentaire