Il y a des moments comme ça, où Marie, Audrey et Mélanie me regardent avec les yeux en ronds de flan. Aurais-je dit quelque chose de travers, de politiquement incorrect ? Absolument pas ! C’est juste que la phrase « j’ai coulé ton enveloppe dans la boîte aux lettres » n’a pas vraiment de sens — en France. Une bizarrerie que je dois à mes origines mauriciennes, et notamment au créole, qui fait partie de ma culture, ma façon d’être et de penser. Mais qu’on ne s’y méprenne pas : ces petites expressions signatures sont ancrées en chacun de nous — vous y compris ! Mea culpa.
« Je fais Maël manger », « y en a trop beaucoup », « c’est plus meilleur ». Voilà quelques exemples de phrases un peu tordues que je peux prononcer sans sourciller. Des tournures qui ne me choquent pas le moins du monde alors qu’elles suscitent toujours la même réaction chez mes interlocuteurs : « hein, quoi, répète ? ». Oups !
« J’suis pas notaire, c’est la faute à Voltaire »
Grande amoureuse de la langue française (et sur le point de passer la certification Voltaire, on vous en parlera prochainement !), j’ai à cœur d’aligner les mots élégamment, précisément, [insérez ici tous les adverbes appartenant au champ lexical de la perfection qui vous viennent en tête]. La grammaire, la conjugaison, l’orthographe, les phrases tantôt simplettes et tantôt emberlificotées sont mon dada, et c’est d’ailleurs pour cela que j’exerce ce beau métier de rédactrice web.
Pourtant, il m’arrive aussi de faire de grosses fautes d’expression et d’être dans le déni presque total. De la même manière que vous (oui, vous, cher.e lecteur.trice derrière votre écran que nous aimons d’amour !) employez souvent des tournures qui vous sont propres et qui ne renvoient pas forcément à ce que votre interlocuteur a en tête lorsque vous vous adressez à lui, à l’oral comme à l’écrit.
De façon générale, mes fourches trouvent leur source dans la confusion français-créole, les deux langues dans lesquelles j’ai été éduquée et que je parle au quotidien. À ma connaissance, nous sommes plusieurs à en faire les frais (coucou sœurette si tu passes par là !).
Pour la petite histoire, l’île Maurice a été colonisée tour à tour par les Britanniques et les Français, et sa population est originaire du continent africain mais aussi asiatique (Inde, Pakistan, Bangladesh, Chine…). Le créole mauricien emprunte donc ses expressions à toutes ces zones géographiques. Il existe même aujourd’hui une académie du créole de la République de Maurice (Akademi Kreol Repiblik Moris) !
À chacun ses fautes
Magique, parce que ces expressions (en VO ou en VB, pour Version Bancale) gagneront à être connues, et donc comprises. Magique, parce que cela illustre la richesse des mots dans leur ensemble. Magique, parce que ce qui est encore considéré — à tort — comme un patois confirme petit à petit sa place dans l’éventail mondial des langues vivantes.
D’ailleurs, à ce sujet, je vous invite à feuilleter les pages de « Comme on dit chez nous« , un bel ouvrage signé Mathieu Avanzi, Aurore Vincenti et feu Alain Rey — coeur coeur love. Une ode aux curiosités linguistiques locales, qui font sourire et, à titre personnel, me fascineront ad vitam aeternam.
Alors certes, dire « j’ai coulé ton enveloppe dans la boîte aux lettres » sera toujours incorrect dans mille ans. Mais les générations futures sauront peut-être pourquoi certaines personnes le disent quand même… De la même manière qu’aujourd’hui, « dis-le pas » est une injection qui me fait grincer des dents, mais qui semble absolument naturelle dans certaines régions, par exemple !
En attendant, soyez rassurés, vous ne verrez jamais ce type de traduction littérale dans les textes que vous nous confiez. Car la rédaction web, c’est tricoter et détricoter pour trouver les bons mots, le juste milieu pour être compris en tant que client, acteur et lecteur final, tout cela à la fois ! C’est aussi relire et faire relire par plusieurs paires d’yeux vigilants, pour que les contenus qui vous reflètent sur les internets soient au top du top. Parole d’expertes !
Ajouter un commentaire