L’e-réputation ! Depuis plus de deux ans, ce « nouveau » terme n’a cessé de faire parler de lui. Et comme toute nouveauté qui agite l’internet et fait même briller les yeux (des agences qui vont proposer de nouvelle prestas, des entreprises qui pensent augmenter leur CA rapidement et presque sans investissement), on peut lire à peu près tout et n’importe quoi à son sujet.
La grande tendance du moment dans la webosphère est le « nettoyage du net » : on publie des commentaires négatifs sur vous ? Pas de panique, les nettoyeurs du net sont là pour vous !
Ce qui me surprend dans tous ces articles, c’est qu’on ne se pose pas la question du pourquoi. Les internautes qui critiquent l’entreprise/la marque sont forcément du côté obscur, et on s’empresse de vouloir supprimer toute trace négative. Pourtant, comme dirait une sage personne que j’ai croisé il y a quelques temps : « il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ».
Respirer un bon coup et faire le point
La première question à se poser est donc « pourquoi ? », car contrairement à ce que j’ai pu lire sur certains blogs, la mauvaise e-réputation ou le bad buzz surgit rarement de nulle part. Un peu comme dans la vraie vie, quand on est face à une critique, plutôt que de spontanément rejeter la faute sur autrui, il est peut-être plus avisé de prendre du recul et de se demander si le problème ne vient pas de soi et de comment on peut le régler en profondeur.
Petit exemple tiré de mon expérience personnelle : un fabricant de menuiseries repose sa force de vente sur un réseau de distributeurs indépendants, qui démarchent eux-mêmes les particuliers pour leur proposer ses produits. Petit problème : ce réseau indépendant a des pratiques commerciales très limites. Progressivement, les internautes témoignent de leur expérience négative avec ce réseau, qui est malheureusement associé à la marque du fabricant de menuiseries.
On pourrait donc, comme le proposent certains, engager un nettoyeur du net et faire le ménage (si cela est possible car ce n’est pas toujours le cas). Mais le problème de fond est-il réglé ? On va malheureusement tenter de mettre un peu de vernis sur une image déjà bien amochée. Et puis, supprimer un message ici, ce n’est pas pas l’empêcher d’apparaitre là bas : les internautes continueront à se plaindre, et pourront même le prendre très mal s’ils se rendent compte que leurs témoignages sont supprimés.
On pourrait aussi traiter le problème à sa source (le réseau de distribution dans ce cas précis) et expliquer aux internautes ce qui a pêché, s’excuser si besoin, et capitaliser sur cette expérience pour faire évoluer l’entreprise en fonction des attentes du client (un réseau de distributeurs de qualité). Alors oui, cette deuxième option parait être plus longue et moins facile à mettre en œuvre que la suppression automatique de tous contenus négatifs. Mais au final, il est fort probable que ce problème se représentent régulièrement (détecter des contenus négatifs, engager des nettoyeurs, re-détecter des contenus négatifs, ré-engager des nettoyeurs, etc. etc.)
Et cet exemple est transposable : de la gestion des RH (des contenus négatifs sur le licenciements de x personnes ?), au SAV (un temps d’attente interminable ? un service rendu médiocre ?) ou même à la qualité des produits (un restaurant peu accueillant ? une promesse non tenue ?)
Bien sûr, nous ne vivons pas dans un monde de bisounours, et les problèmes touchant d’innocentes entreprises existent. Mais comme dans le cas précédent, la transparence est une des solutions à envisager en premier : on explique pourquoi on est en désaccord, quels sont nos soupçons tout en prouvant qu’on est dans son bon droit. Et parfois même, quand on est déjà bien présent sur la toile, on peut compter sur les personnes qui nous entourent virtuellement pour prendre notre défense. Ensuite, et en dernier recours seulement, on peut faire valoir ses droits auprès d’un avocat, qui nous défendra.
Utiliser le web social pour ce qu’il est
Mais pourquoi le nettoyage du web est-il si tendance ? J’ai ma petite idée là-dessus : les entreprises on peur de perdre le contrôle (qu’elles ont peut-être déjà perdu ceci dit). Certaines se positionnent donc sur le web social parce-qu’il représente de réelles opportunités en termes de notoriété, de relationnel avec ses clients, etc. sans pour autant lâcher totalement les rênes.
On voit d’ailleurs souvent passer des « maitriser votre e-réputation » ou des « contrôler votre e-réputation » dans certains discours, ce qui me parait être une belle illusion : on ne peut pas contrôler ce qu’il se dit, on peut « participer à ». On peut donc engager le dialogue, s’expliquer, répondre aux questions, corriger ou compléter certaines informations mais pas contrôler.
Une des erreurs fréquentes est justement de ne pas utiliser le web social pour ce qu’il est : un espace d’échanges et de partage où chacun peut prendre la parole.
Croire qu’on peut (ou qu’on doit) supprimer tous les contenus qui ne vont pas dans le sens qu’on voudrait est donc une erreur. C’est un peu penser le web à la « 1.0 » : un émetteur vers de multiples récepteur, un message officiel qui ne peut être contesté (je m’en tiens ici au web bien sûr). C’est un peu comme ouvrir un blog, et fermer les commentaires : ce n’est plus un blog mais une page d’actus où l’entreprise émet un message à sens unique, sans laisser de place à l’échange.
Ceci dit, nous n’en sommes qu’au début du web social pour les entreprises : deux ans c’est à la fois court (pour que les entreprises s’adaptent) et long (pour le web qui évoluent sans cesse). Le web social, et a fortiori internet, est un media à part entière qui est régit par ces propres règles (comme la radio, la télé ou la presse écrite), qui induit un changement profond dans la façon de communiquer des entreprises, qui ne maitrisent ni les émetteurs, ni les messages, ni les récepteurs.
En conclusion, si j’avais un conseil à donner, ce serait celui de ne pas avoir peur du web social, mais au contraire de s’y positionner, de prendre la parole tout en jouant le jeu sans naïveté ni paranoïa.
@charlideparis a commenté :
A moitié d'accord avec vous, sur ce point "...il est peut-être plus avisé de prendre du recul et de se demander si le problème ne vient pas de soi et de comment on peut le régler en profondeur."
Dans un monde idéal d'accord, mais imaginez que vous avez pour client un homme politique qui a besoin de vous pour nettoyer les rumeurs et informations négatives le concernant, juste avant sa campagne électorale...Lui demanderez vous si il veut pas prendre du recul et se transformer, etc?? Si oui, vous êtes optimiste car il a très peu de chance de dire ok.
Pour le reste merci pour votre article très vrai sur les limites des offres des sociétés d'e-reputation.
Damien a commenté :
Bonjour Marie, excellent article, j'adore merci bcp.
Je rebondis dessus car il est typique de mon expérience quotidienne.
Le fait que le nettoyage du net soit à la mode en ce moment dans certaines agences et que les mots "contrôles", "réputation", "suppression" sont de plus en plus utilisés est le fait des clients eux-mêmes. D'ailleurs, comme tu le prouves avec ton exemple, ce n'est pas le fait de grandes entreprises mais surtout de petites PME qui ont peu les moyens de contrôler toutes la chaîne de vente et sa qualité.
Pkoi ces entreprises font appels à des nettoyeurs?
1/ ils ont lu dans la presse que e-réputation = nettoyage et que des entreprises annoncent savoir contrôler cette e-réputation. Toutes les entreprises d'e-réputation sont donc perçues comme des Nettoyeurs du Net.
2/ ils veulent passer au nettoyage car ils ont 95% de satisfaction dans l'analyse de leur formulaire satisfaction (que leurs clients satisfaits ont soigneusement remplis avec un stylo accroché à leurs petits doigts musclés et une feuille de papier) et, par conséquent ils en ont marre d'être critiqués par le quart de la moitié de 5% d'insatisfaits qui produisent 99% du contenus sur le web (qui est donc globalement négatifs)
3/ Par corollaire, ils ne comprennent pas que les satisfaits ne s'expriment pas sur le web. "Mais pourquoi ils ne disent pas qu'ils sont contents sur ce forum ceux-là?", tout en lisant son bout de papier.
4/ Ils n'ont pas les moyens de mettre en place de nouveaux process sur l'ensemble de leurs employés pour 5% d'insatisfaits qui expriment leur mécontentement sur le web.
5/ils ne perçoivent pas encore la baisse de leur vente mais sont quand même emmerder par les avis négatifs qu'ils prennent aussitôt pour des concurrents mal intentionnés
6/ Ils n'ont pas les moyens financiers, ni l'envie surement, de mettre en place une plateforme de discussion ou d'embaucher une agence pour "engager" la discussion avec des internautes qu'ils soient insatisfaits ou non.
7/ Aujourd'hui, je ne connais aucune agence qui propose des prix abordables pour monter une stratégie d'e-réput et d'engagement pour des petites PME. Il en existe surement, qu'elles n'hésitent pas à se faire connaître :)
Conclusion :
Nettoyage = facilité = court terme = peu d'argent comparé à la mise en place de nouveaux process internes ou à la mise en place d'une véritable stratégie d'engagement.
C'est l'équation utilisée par ces entreprises mais comme toi, je pense qu'il faut s'engager contre ce genre de raisonnement et tenter d'accompagner le plus possible ce type d'entreprises avec des petites touches web social faciles à réaliser.
En outre, les entrepreneurs de ces entreprises sont souvent de la bonne vieille école et préfèrent avoir une bonne engueulade avec leurs clients avant de trouver un terrain d'entente. Chose impossible sur le web.
Marie Armand a commenté :
Merci pour ces commentaires !
@charlideparis
Je pense que vous mettez le doigt sur la question récurrente de la demande et de l'offre : les prestataires doivent-ils répondre positivement à toutes les demandes des clients même si celles-ci vont contre ses principes ? J'ai envie de vous dire non, mais tout dépend des personnes et du contexte dans lequel on se trouve.
Pour ma part, je ne suis pas une "nettoyeuse", donc je n'aurais pas à faire ce type de choix ;)
@damienhoulle
Oui c'est vrai, mais je ne suis pas certaine que cette tendance soit le seul fait des entreprises (ceci dit je n'ai aucune donnée tangible là-dessus), mais est-ce que ce ne serait pas le travail des consultants de les diriger vers la meilleure solution ?
Concernant le coût d'une stratégie de com en ligne, il peut être effectivement élevé. Mais c'est aussi parce 1) on s'imagine à tord que le "2.0" c’est gratuit et que 2) on peut tout faire tout de suite, plutôt que d'y aller progressivement et d'apprendre au fur et à mesure.
Ce marché est encore jeune, à voir comment cela va évoluer ;)
Lemonnier Alexis a commenté :
Certes le référencement, les algorithmes ... sont aussi des questions de coûts. Mais il faut également intégrer le cheminement d'un internaute sur le web comme quelque chose d'assez classique (Google, Facebook). Une Page Fan, un Blog, peuvent suffirent à se faire voir sous un jour présentable. C'est aussi une question de mots clefs, de pro activité et de fréquence!. Non?!.
Je partage l'article.
A.
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