Voilà des années que la bataille fait rage dans le vaste monde de la communication, entre ceux qui ont adopté le terme digital et ceux qui les pointent du doigt — parce qu’on devrait dire numérique, ou informatique, ou électronique, ou même web (comme dans “communication web”). J’ai moi-même longtemps raillé ceux qui se targuaient d’agence digitale. Un peu comme pour le “web 2.0”, à l’époque où tout ce qui était a priori moderne devenait 2.0. Mais voilà, la Commission d’enrichissement de la langue française a tranché : on dit désormais numérique. Enfin…
La nouvelle a fait le tour des Internets cette semaine : le Journal officiel a publié les traductions françaises d’une dizaine de termes anglais. Comme “backdoor” qui devient “porte dérobée” ou “poterne logicielle”, “semantic web” qui s’adapte en français en “toile sémantique”, et bien sûr “digital” qui devra céder sa place à son homologue “numérique” dans la langue de Molière. C’est donc dit, officiellement tranché et décidé par ceux qui tentent de graver dans le marbre une matière mouvante : notre langue.
Pour nous, qui aimons très fort les mots, cette question est essentielle : comment faire pour respecter ce qu’est officiellement un français correct, tout en étant en phase avec ce que signifient ces termes pour nous ? Parce que “agence de communication numérique”, non merci. Ajoutez à cela la contrainte du référencement naturel, et choisir quelle expression afficher sur notre site web en tant qu’agence devient un vrai casse-tête. Explications !
“Communication digitale”, bif bof ?
J’avoue, j’ai longtemps boudé ce terme. La principale raison : “digital” désigne un peu tout et n’importe quoi, avec ce vent de bullshit tendance qui ne me plait guère. Comme pour 2.0, cité un peu plus haut. Il y a encore une poignée d’années, il suffisait d’ajouter 2.0 à un nouveau projet pour qu’il paraisse innovant. Et je voyais souvent dans le regard de ceux qui ne maîtrisaient pas le sujet un mélange d’incompréhension, de tentation de céder à une sirène dont ils ne dessinaient pas les contours et le sentiment d’avoir un train de retard. Bref, un effet paillettes qui conforte ceux qui savent dans leur entre-soi de sachants, et laisse à l’écart ou dans l’ignorance leurs interlocuteurs — souvent clients. L’antithèse de ce qu’on défend chez L’Œil au Carré : nous aimons que tout soit clair, compris, transmis, approprié.
J’avais donc choisi de qualifier L’Œil au Carré d’agence de « stratégie de contenu”, puis de “communication web”, puis de “communication éditoriale”. Pour finalement me rendre compte que si ces mots avaient du sens pour moi, ils étaient largement moins utilisés par ceux que nous voulons convaincre (nos prospects), et beaucoup moins sexy de prime abord.
Les mots, entre expérience client et référencement naturel
Dans le jargon de la communication, on parle d’ailleurs d’UX pour eXpérience Utilisateur, et de SEO (prononcez Esse-I-Ow si vous voulez briller en soirée) pour le référencement naturel. Deux piliers et deux contraintes de notre métier, car tout ce que nous écrivons, partageons, publions doit répondre à ces deux facettes (ce qu’attend le lecteur, et ce que comprend le moteur de recherche), couplées à l’exigence de celui qui communique (ses valeurs, ses objectifs et sa sensibilité aux mots). L’exemple du terme “digital” illustre particulièrement ce dilemme.
Prenons donc mon exemple. Il y a encore 6 mois, je jurais que jamais, au grand jamais, nous n’afficherions le mot “digital” dans nos outils de communication. Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, “digital” ne correspondait pas à nos valeurs, à ce que nous défendons dans notre métier. Et puis, nous avons mené des audits sémantique et SEO qui ont souligné l’importance de ce terme, et écouté nos clients, nos prospects qui avaient adopté ce fameux “digital”. La solution ? Intégrer ce mot parce qu’il est largement utilisé, et davantage compris, par ceux avec qui nous travaillons — mais sans nous travestir. Ce qui signifie afficher parfois le terme “digital”, mais le contextualiser, l’expliciter pour lui donner le sens que nous voulons lui infuser.
Du coup, digital ou pas ?
Le moi de l’été 2020 serait surpris de me lire présentement, mais oui : digital est un terme à intégrer. Parce que la version francisée n’est pas beaucoup plus claire, voire un poil ringarde : on devrait donc parler de transformation numérique des entreprises, qui envoient des infolettres par courriel ? Bof, bof.
Mais promis, nous n’en ferons pas des tartines. Et nous continuerons d’alimenter notre bullshitopédie des mots-effets wahou de notre métier… et de tous ceux du digital !
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